La recherche permettra-t-elle un jour de vaincre le cancer ? C’est à cette question complexe que le docteur Julien Lejeune, pédiatre, chef de clinique du service d’onco-hématologie de l’hôpital pédiatrique de Clocheville de Tours, et le professeur Olivier Hérault, chef du service d’hématologie biologique de l’hôpital Bretonneau de Tours, ont répondu lors d’une conférence organisée par l’association régionale Enfants Cancers Santé Cœur de France.
« Un cancer, pour un enfant, c’est deux ans d’enfer…, introduit le professeur Hérault. La prise en charge est extrêmement lourde, d’où l’importance d’investir dans la recherche pour acquérir une connaissance extrêmement pointue de la cellule cancéreuse du patient. C’est grâce à cette compréhension que nous ferons toute la différence. »
Il existe trente types de leucémies aiguës différentes. Les chercheurs mènent différentes analyses sur les cellules malades pour les typer. « Mais nous devons aller encore plus loin. » C’est là qu’Enfants Cancers Santé entre en jeu. L’association finance le programme de recherche du docteur Julien Lejeune et du professeur Olivier Hérault : MIcroenvironnement médullaire dans les Leucémies Aiguës de l’enfant (MILA).
Un protocole unique au monde
Il s’agit d’une démarche de biobanking qui nécessite une structure dense. Elle consiste à étudier le système de contrôle du micro-environnement des cellules leucémiques. Les cellules leucémiques interagissent avec leur micro-environnement : elles le modifient pour qu’il favorise leur développement. Le micro-environnement devient alors très adapté à la cellule leucémique. Par exemple, il peut envoyer un ordre de dormance aux cellules leucémiques qui ne répondront alors plus aux chimiothérapies. Comment dialoguer avec la cellule leucémique ? Comment modifier le micro-environnement ? « Nous étudions 10 000 gènes par cellule et 10 000 cellules par patient. Pour cela, nous avons mis en place un laboratoire hospitalier exclusif. Nous analysons les cellules de la moelle de l’enfant souffrant d’une leucémie sur le volet du micro-environnement et la comparons à celles d’un enfant sain du même âge. Un prélèvement de moelle génère 3 téra-octets* de données à traiter. Nous travaillons donc avec un énorme département de bio-informatique faisant appel à l’intelligence artificielle. C’est un protocole et un référentiel uniques au monde. Il y a un côté exceptionnel dans ce que l’on est en train de construire avec Enfants Cancers Santé. À la fin du protocole, en 2026, nous aurons la réponse. Nous aurons bouché les trous. Ainsi, nous pourrons répondre à la question La recherche permettra-t-elle un jour de vaincre le cancer ? Oui, nous parviendrons un jour à guérir les cancers pédiatriques mais au prix d’analyses extrêmement complexes. Nous saurons exactement à quel endroit du corps il faut attaquer. Nous saurons comment trouver la cible et nous pourrons mettre en place une thérapie personnalisée. »
Les résultats de ce protocole seront mis à la disposition de la communauté internationale. « Quand on découvre un mécanisme, souvent, il est valable aussi pour les cancers des adultes. Notre travail bénéficiera à à d’autres équipes, pour d’autres types de tumeurs. L’extrême proximité entre tous les services du centre hospitalier nous offre une grande efficacité attestée par des publications de haut niveau. Notre expertise est reconnue par des experts internationaux. Des associations ont beaucoup investi pour nous. Nous menons ces recherches parce que nous voyons nos petits malades tous les jours. Nous ne les oublions jamais. C’est ce qui fait notre force. »
* 1 téra-octet = 1012 octets = 1 000 000 000 000 octets
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